Drugstore Spiders

 

CONTRABAND

Drugstore Spiders, chimère du rock'n'roll.

A l'attaque. Les Lost Disciples, nés en 1997 sont morts en 2008. Tony (chanteur), Marco (gratte), Eric (basse) et Tom (batterie) forment les Drugstore Spiders et sortent un album, « Contraband ».
Le Mazoutien moyen se demande: les Drugstore Spiders sont-ils différents des Lost Disciples? (en effet, la formation est identique, sauf en ce qui concerne le batteur).

Réponse: c'est officiel, il y a eu séparation. Que ce soit clair. Quant aux raisons du divorce, elles nous importent peu. Ceci dit, les joyeux drilles n'ayant plus 20 ans, nous n'assistons pas à la mutation de Joy Division en New Order. Le chanteur, dans un groupe, en est la marque, ainsi que le gratteux. Résultat, les Drugstore ne sont pas franchement différents tout en étant plus … groove. Mon âme de danseuse apprécie.

Sur Contraband, le groupe a gardé trois morceaux datant des Lost, dont Backstage Pass joué systématiquement sur scène. En gros, ce 1er album des Drugstore est le meilleur de ceux qu'auraient pu enregistrer les Lost (en exceptant The First Stone: défauts, innocence et enthousiasme de 1er album en font un chouette disque).

Mais profitons de cet article pour parler d'autre chose. Il y a un truc qui m'a toujours faite marrer chez les mecs âgés de 7 à 77 ans, c'est cette application de petit enfant occupé à remplir inlassablement d'eau un trou creusé dans le sable. Persévérance, obstination, dévouement à l'inanité d'une action. Il y en a, ce sont les trains électriques (mon frère), il y en a d'autres, c'est le fucking rock'n'roll. Une nana de 50 piges ne joue pas au tain électrique; quand elle fait du rock, elle sait qu'au fond, ce n'est pas sérieux, ou alors elle devient chiante (Patti Smith). Les Drugstore Spiders, affectés à cette drôle de tâche qu'est le rock sont, eux, d'un sérieux inébranlable. A la façon d'un Alice Cooper chaussé de bottes en peau de girafe, vêtu d'un babygros en peau de Marcel et coiffé d'un chapeau haut de forme, yahoo, on y va, le plus sérieusementdu monde. Ah, si, il y a ceux qui seprennent au sérieux, lunettes de soleil dans les cheveux, un air cool qu'ils n'ont pas en réalité, fringues de jeunes les faisant ressembler à de vieux beaux, circulez, il n'y a rien à voir, ces personnages sont en général complètement bourrés avant la fin de soirée. A la limite, les Drugstore sont peut-être cool, mais ce n'est pas flagrant. A vrai dire, c'est comme s'ils voulaient ne pas séduire. Faire leur truc inlassablement, obstinément, parce que c'est vital. Nous ne sommes pas loin du cliché, celui de la chimère du rock'n'roll. Monstre fabuleux, ayant la tête et le poitrail d'un lion, le ventre d'une chèvre et la queue d'un dragon (autrement dit, la chimère ne ressemble à rien), elle crache des flammes, tandis qu'elle représente la vaine imagination, l'illusion, le projet irréalisable, l'utopie. Nom de d'là, en voilà un, sacré groupe de loosers. Un vrai looser, c'est comme un vrai fou: cela ne lui plait pas du tout d'en être un. Ainsi sont les Drugstore Spiders. Ceci dit, ce n'est pas un groupe qui va jauger son impact au nombre de spectateurs. Tu peux jouer dans un stade rempli de mecs qui n'en ont rien à cirer. Ni au nombre de visiteurs sur leur site (là, permission d'éclater de rire devant cette formidable escroquerie). Si succès il y a, il va sans dire qu'il est d'estime, méritée. Groupe non pas mal aimémais pas spécialement recherché. Des fans, silencieux. Pourtant, en concert, c'est la claque, la vraie mandale. Ce n'est pas forcément moi qui le dis, je l'ai souvent entendu de la part de gens qui ne cherchaient pas à être polis.

Ce 1er album est une belle petite gifle, on ne va pas crier au chef d'œuvre, mais la galette ressemble à quelque chose, même coincée entre celles des Stones, des Dolls et des Stooges. Pas si chimères que cela, ces araignées.

A l'heure où il y en a qui pleurent parce que leur travail d'artiste n'est pas reconnu, où les professionnels se cassent la gueule en cherchant de nouveaux moyens douteux pour s'en mettre plein les fouilles malgré tout, ce groupe est une sorte de bras d'honneur brestois. Le monde de l'autoproduction et le circuit, dans lequel il évolue (en vrac: Subsonic, Mondo, Dig It, Rock Hardi, Beast Records, Turborock, Action Records, etc.) est restreint mais réel. Nous parlons ici de sincérité; après tout, ce n'est pas une mauvaise arme pour lutter dans un monde très pourri.
Il y a ce truc de soldat, qui conseille de dire et de faire ce que tu crois juste; un jour ou l'autre, les tricheurs, les malhonnêtes se prennent une sévère déculottée. Comme un gros boomerang dans la gueule... Je vous laisse, je vais jouer au train électrique en écoutant ce Contraband plus qu'honnête, loyal, et droit.

Cat. The Cat